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Découverte de mon identité queer: chansons populaires Arabes, nudité et premières fois

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On May 3, 2018

Par Jaha

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J’avais dix ans lorsque nous nous sommes procurés notre première antenne parabolique.

Puisque celles-ci étaient lourdement sanctionnées par le gouvernement, nous devions cacher l’antenne pour la protéger des nombreuses descentes policières. Nous l’avions donc installé sur la partie inférieure du toit, à l’arrière de la véranda. Le satellite, selon les sermons du Vendredi de l’époque, était un mal qui menaçait nos mœurs et ferait descendre le châtiment divin sur une société qui s’était ouverte à la sexualité et au désir. En dépit de la religion et de l’Etat, quatre de nos voisins nous payaient 20 livres chaque mois pour se faire rattacher le satellite à leurs télés ; une espièglerie collective qui remplissait l’air d’excitation et de chansons Pop du Moyen-Orient du début des années 2000.

Cependant, dans la maison familiale surpeuplée, regarder des vidéos s’avérait bien trop risqué. Il y avait toujours un oncle beaucoup trop religieux qui trainait dans les parages. Le risque de se faire sermonner ou pire, recevoir une fessée, était considérable alors je planifiais mon temps avec la télévision avec précaution. La maison abritant beaucoup plus de personnes que de chambres, quand venait l’heure de s’organiser pour dormir, je m’arrangeais toujours pour être placée dans le couloir. Ensuite, il ne me restait qu’à faire semblant de dormir pendant que ma mère regardait sa chaîne de films étrangers préférée. Elle restait devant la télé jusqu’à s’assoupir. Terrifiée à l’idée de me faire prendre, je restais immobile et regardais, à travers un trou dans ma couverture, le monde incroyable qui s’offrait sur l’écran et qui était convenablement supplémenté de sous-titres Arabes.

L’héroïne du film, une jeune fille de mon âge, avait développé une fascination pour sa voisine, une adolescente rebelle. Bien que plusieurs parties de l’histoire m’échappent, je me rappelle très clairement de la sensation que j’avais ressentie et de la moiteur qui s’était installée dans mon entrejambe lorsque la jeune fille avait mentionné que sa voisine dormait toute nue avec les fenêtres grandes ouvertes. Pour moi, cela était impensable ! Être nue ? Disposer de l’intimité d’une chambre pour pouvoir être nue ? Pouvoir être nue si nonchalamment et si ouvertement que des voisins curieux pourraient voir ? Je n’avais aucun référent visuel pour donner un sens à ce que j’avais entendu, mais cette information avait réussi à élever mon jeune corps confus à un paroxysme euphorique.

Pourquoi ceci provoque t-il des frissonnements en moi ? Pourquoi ai-je moi aussi envie d’être nue ? Pourquoi est-ce si agréable lorsque je me touche là?

La principale source de confusion était, bien évidemment, le fait que le corps nu qui causait cette agitation sexuelle était celui d’une femme.

Ceci fut pour moi le commencement de nombreuses longues nuits d’orgasmes gracieusement orchestrées par mon imagination débordante. Mes pensées se tournaient toujours vers une femme. Parfois, la femme était une inconnue, ou une amante, ou les deux. Durant ces tête-à-tête imaginaires, ma respiration devenait bruyante au fur et à mesure que je sombrais dans le désir de la tenir dans mes bras, de l’embrasser, de la caresser. D’autres fois, j’étais cette femme ; dansant, débauchée, décomplexée. Mais le soleil finissait toujours par se lever, et je me refaisais toute petite face aux hommes qui me talonnaient inlassablement.

Quelques petits-copains et treize ans plus tard, je suis dans ma chambre d’hôtel à moitié nue avec les stores ouverts, pensant à toutes les femmes incroyables que j’avais rencontrées plus tôt dans la journée. Je n’avais jamais fréquenté un espace si résolument féministe ; si obstinément Afro-centriste. Bien avant cela, j’avais déjà appris à expulser la honte qui s’incrustait sous les plis de ma peau lorsque ceux-ci s’offraient au soleil. Je ne cherchais plus à dompter mes cheveux lorsque tous ce qu’ils désiraient était d’être libre. Me séparer d’une amante endormie pour la prière du crépuscule ne me mettait plus mal à l’aise. J’avais appris à ouvrir les fenêtres et à les laisser ouvertes. Ou en tout cas c’est ce que je croyais.

Elle vient me trouver ; tout sourires et grossièretés. Je n’avais jamais bu auparavant mais ma bouche portait déjà le goût d’une ex alors la bière paraissait moins amère. L’on se raconte comment nous sommes arriver à nous sentir bien dans notre peau et sous mes yeux, un univers tout entier prend vie. L’alcool coule à flot et nous devenons plus ouvertes, imparfaites, honnêtes, vulnérables. Nous sommes deux femmes noires dont l’Arabe maternel tombe en cascades sur nos langues. Je suis noire et musulmane. Je suis musulmane et sensuelle. Je suis noire et musulmane et sensuelle et queer.

Elle m’embrasse.

Je m’endors, nue.

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